The Amsterdam Red-Light District@l'Ampérage
- Publié dans Interview
Fut un temps où Grenoble avait sa place sur la carte hardcore, post hardcore de la scène française. Je vous parle ici d'un temps que les moins de vingt ans bla bla bla... Une époque peut être plus simple et directe, où avoir un myspace pour son groupe était déjà un signe de sérieux sans parler du fait de sortir un cd qui ressemble à quelque chose et qui ne soit pas juste écouté par votre grand mère... Si la mention de Elevate Newton's Theory, Feverish, Insight et autres Strikeback (qui deviendront ensuite Stillrise) ne provoquent aucune réaction nostalgique ne partez pas, le mode vieux con passe bientôt en off... Les temps ont changé pour sûr, n'importe qui enregistre en qualité studio n'importe quoi, votre pote avec son boîtier réflex peut vous sortir un clip en 3 clics de souris bien ajustés et la moindre petite grenouille se gonfle d'air pour se faire plus grosse qu'elle n'est en espérant ne pas exploser en chemin. Difficile alors de faire le tri et nombreuses sont les déconvenues quand vient la sentence du live. Pour ce soir c'est avec confiance que l'on se rend à l'Ampérage, la retombée style bad trip n'est pas prévue au programme tant les petits gars de MFCK prod restent une valeur sûre en terme d'orga de concerts à la distribution taillée à la machette.
La mise en bouche assurée par Oligarchy et Gliesers passée, on taille direct dans le gras avec les lyonnais de The Amsterdam Red Light District qui, malgré une activité conséquente sur les scènes nationales et européennes, n'étaient jamais venus en voisins pour chauffer les planches grenobloises. Le style fait dans le punk hardcore calibré avec comme ligne de conduite l'énergie au service de l'efficacité. Le groupe est solide sur scène, mène son affaire avec sérieux sans se prendre trop la tête, les heures de pratique en live se font ressentir à grands coups de pieds sautés et autres sollicitations du public qui rentre dans le jeu. Les TARLD de 2015 c'est une problématique à la Fight Club : se faire rincer la gueule bien propre oui, sauf que la distribution de mandale doit être assurée par Brat Pitt et Jared Leto, le difficile équilibre entre rugosité et emballage propret. Les voix gueulées des premiers temps sont de plus en plus minoritaires face à un chant plus posé et donc plus accessible, les structures des morceaux sont plus radio edit et l'on sent que le groupe cherche l'accroche à chaque refrain ou riff. Au final c'est parfois un peu poli et sage mais les Lyonnais ont choisi l'entertainment plutôt que la révolution et jouent à fond leur carte. Le public en redemande et se déchaîne sur « I'm not insane », un bel exemple justement d'équilibre entre refrain catchy et énergie débridée. On peut reprocher un certain nombre de choses à The Amsterdam Red Light District mais certainement pas leur implication totale dans leur groupe et dans leurs prestations ainsi qu'une certaine franchise sur la marchandise même si celle ci peut ne pas être au goût de tous.
Les parisiens de Merge qui prennent la suite ne sont pas sur la même problématique sans pour autant avoir la vie plus facile. Dans la pléthore de groupes post hard-core et autres dérivés plus ou moins screamo, rester original sans se fourvoyer soi-même relève du tour de force. Les codes du genre sont archi balisés et nul doute que les Parisiens les connaissent sur le bout des doigts au vu de leur performance de ce soir. Parties down tempo lourdes et brumeuses, riffs plus tranchants dans le gras du spectre, le tout parsemé d'une voix aussi à l'aise dans le clair que dans le saturé sreamo, le groupe est bon de partout et impose un son massif et carré qui ne laisse pas beaucoup de choses au hasard. Si on rajoute à tout ça un bon look, le jeu de scène ad hoc et on a un tableau assez précis d'une certaine scène métal actuelle. Là où le groupe réussit son pari c'est en évitant justement de surjouer le style ce qui avouons le est parfois plus difficile que d'enfiler un putain de jean slim taillé pour des ados anorexiques nourris aux 5 fruits et légumes par jour... L'attitude du front man y est pour beaucoup, là où certains en feraient des tonnes en mode dépressif de caniveau et artiste torturé à la petite semaine, lui semble juste habité et complètement tourné vers l'instant. Pas de phrases toutes faites ou de postures trop artificielles, une certaine forme de fraîcheur pas facile à trouver. Si la salle n'est pas comble le groupe lui joue comme devant une arena pleine à craquer, ne compte pas à la dépense et emporte la mise ce soir là.
La ligne de crête est parfois mince entre les 2 précipices que peuvent être la facilité et le fouvoiement hype d'autant que lorsque l'on a mis le pied d'un côté ou de l'autre c'est rarement de plein gré et sans comprendre tout de suite que l'on est déjà en train de tomber. Si The Amsterdam Red Light District et Merge n'empruntent pas forcément les mêmes chemins, leurs parcours font face aux mêmes aléas. Le live ne trompe pas et ce soir ces 2 groupes ont prouvé qu'une seule chose compte en musique : l'honnêteté face à soi même et face aux gens qui vous écoutent. En espérant juste qu'ils arrivent en haut de la montagne avant d'avoir fait le faux pas de trop..
It Came From Beneath ouvrent le bal ou plutôt l'arène au vu de l'ambiance « coup de poing retourné » qui règne dans la fosse, les Lyonnais semblant se déplacer avec leur crew histoire de se sentir chez soi de partout. Leur métal-core ultra-stéréotypé se prête plutôt bien à l'ambiance de gymnase qui règne dans la salle en ce début de soirée. De grosses mosh parts alternent avec des parties plus rapides et couillues, saupoudrée d'une grosse voix bien énergique au service d'un son ultra tight et percussif. Le combo n'est pas là pour tricoter des napperons, leur musique est dense, brutale, technique avec une grosse mise en place rythmique (merci Paul le poulpe derrière les futs!). Mais ces qualités indéniables trouvent vite leur limite devant une certaine monotonie des titres: structures téléphonées, voix monocorde, les ficelles du style sont tirées à qui mieux mieux mais sont déjà bien usées... Quelques arpèges distordus, trois pointes de mélodie à la guitare viennent à quelques reprises casser le schéma, donnant une idée de ce qu'aurait pu faire le groupe pour sortir de son carcan sylistique, mais ce ne sont là que quelques touches de couleurs sur un tableau qui tend plutôt vers le monochrome. Et ce ne sont pas les pyramides humaines ou le slam d'un écureuil volant qui nous empêcheront de penser que l'on a bien sué mais que l'on s'est aussi un peu emmerdé au final...
La soirée continue avec The Walking Dead Orchestra, les locaux de l'étape qui profitent donc de cette soirée pour sortir leur premier « vrai » album. Le groupe bénéficie d'un à priori plutôt flatteur même si le line-up a récemment changé et l'on espère que la soirée va enfin enclencher la seconde et finir par décoller... Le public semble particulièrement impatient d'en découdre et les premiers titres du concert vont plutôt leur donner raison. Les Grenoblois imposent un death technique et solide, une musique en place organisée autour d'une batterie percutante et d'un jeu de grosse caisse omniprésent, le tout arrosé d'une présence sur scène certaine. Mais après quelques titres o๠le fossé qualitatif avec les groupes précédents joue plutôt en leur faveur c'est la soupe à la grimace. Le front man qui aurait tout pour être charismatique et concentrer l'attention se répète dans le fond et la forme. L'attitude est à l'américaine ce qui est plutôt positif si l'on n'avait pas l'impression que tout est un petit peu trop surjoué pour être totalement vrai. La voix est forcée, manquant de coffre et de nuances, le style n'est pas propice aux envolées mélodiques et aux variations de la glotte mais tout de même. Les compos se révèlent puissantes et bien exécutées mais sont souvent linéaires et répétitives, manquant d'une vraie volonté de composer et pas seulement d'enfiler les riffs et les pattern de batterie les uns après les autres. Impossible d'en détacher l'une de l'autre tant le tout est uniforme. Enfin le son manque de précision, la batterie est très en avant ce qui est plutôt normal mais les autres instrus sont totalement mangés et parfois aux abonnés absents notamment en ce qui concerne les guitares. D'un point de vue personnel le choix compréhensible d'une batterie triggée est symptomatique du groupe: une impression de puissance flatteuse les premiers temps mais qui relève assez vite de la posture et se révèle froid et artificiel.