JE ME SUIS FAIT UNE SOIREE ELECTRO (ENFIN PRESQUE)
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SUIS FAIT UNE SOIREE ELECTRO (ENFIN PRESQUE) »
Mais
qu'est-ce que j'ai encore foutu, bordel !
Je
m'étais pourtant préparé une soirée au petits oignons.
Cela
faisait un moment que je les voyais passer ces soirées electros, sans
avoir le courage d'y aller.
Mon
grand âge et mon dos capricieux me prouvent chaque jour qu'il n'y aura bientôt
plus qu'une issue pour me distraire musicalement, me retrouver à l'auditorium
de la MC2, confortablement assis dans un fauteuil de velours, à écouter une chorale dirigée par Emmanuel
Krivine.
Alors
j'ai dit non.
Non,
t'es encore jeune Xavier, vas-y, file te dandiner sous les beat de Marcel
Fengler, bois deux redbulls et explose-toi
les cervicales pendant le set de Inigo Kennedy et surtout, surtout…tu vas
prendre de la drogue !!!
YEAH
!!!! Ah, je vous le dis, j'étais chaud
patate !!!
Le mec qui m'a vendu les mini-mentos roses était un trader qui faisait ça pour
arrondir ses fins de mois, sorte de parachute doré en somme. J'ai trouvé ça
bizarre qu'un type en costard cravate et attaché-case me propose des
amphétamines, mais bon. Enculé un jour, enculé toujours comme on dit.
-Combien
t'en veux ?
-(J'ai
vite réfléchis, 6 heure de set)…Vas-y, file moi en quatre.
-Heu,
tu connais ces trucs ?!
-Mais
bien sur !! Je vais en prendre un tout de suite avec mon kebab, puis une prise
toutes les deux heures, comme les dolipranes.
-Mec,
tu devrais faire attention quand même.
-T'inquiète,
je suis pas né de la dernière pluie !
J'étais
chaud bouillant. Moi et mon tacos qui peinait à trouver son chemin dans mes
intestins, on volait littéralement sur le boulevard Joseph Vallier. Yeepah !!!!
Dance floor nous voilà !!!!!!!!
Et puis évidemment ça a
buggé.
Sur le
boulevard, j'ai rencontré ma copine Judith que j'avais pas vu depuis une éternité.
-Xavier
!!! Qu'elle me dit.
-Hum…
Ju…Julie…Judith !!!! que je lui ai répondu.
-Comment
tu vas…blabla….ça fait un bail…blabla…trop content de te
revoir…blabla…Qu'est-ce tu fais ?
-Je
vais enterré ma vie de garçon dans une soirée electro et je te jure que je vais
envoyer du lourd !!! Yeah !!!!!!
-Une
soirée électro ? Un dimanche !?
-Mais
non tu te trompes, on est samedi.
-Ha
non, on est dimanche.
-On est
samedi je te dis et je m'en vais voir Marcel Fengler !!! Youhou !!!!!
Et puis
le fait est qu'on était bien dimanche…
Dans ma
tête, une sorte de civilisation s'est écroulée. J'ai senti le bad trip venir
par des picotements au-dessus des tempes, mes mains tremblaient, et plus aucun
mot ne voulait sortir de ma bouche.
-Qu'est-ce
qui t'arrive, ça va pas Xavier ? C'est pas grave, tu en feras d'autre des
soirées electros.
-Mais
tu comprend pas !!?!! C'était celle-là que je devais faire !! Non, il n'y en
aura pas d'autre, c'est terminé pour moi ces conneries. Je suis trop vieux, je
suis tout juste bon à écouter un vieux Bob Dylan les pieds au chaud dans mes
charentaises. Non Judith, c'est fini tu comprends, je suis fini !!!!!
-Mais
qu'est-ce que tu racontes. Bon, je dois y aller, je vais voir un concert à
l'Eglise Saint Jean, tu veux venir avec moi ? j'ai une place pour toi si tu
veux.
-Un
concert ? A l'église Saint Jean !? C'est quoi ton truc ?
-Des
chants Gospels, Juifs et Musulmans.
Le
tacos a bien failli revendiquer un droit de retrait face à cette nouvelle. La
substance qui coulait généreusement dans mes veines me souriait d'un air
vicieux, j'étais mal. Très mal.
De
toutes les façon, mes neurones qui ressemblaient à du chamalow grillé me
laissaient pas vraiment le choix, c'était soit ça, soit j'allais retrouver Dora
et Mary Poppins à la maison.
Alors, je me suis laissé
entrainer. Judith m'a pris par la main, l'univers autour de moi est devenu un
savant mélange de l'Ile Aux Enfants et de
Breaking bad. Casimir faisait les entrées, à la billetterie je me rappelle
avoir fait rire tout le monde quand Judith m'a dit que sa maman chantait dans
la chorale juive et que j'ai sorti : "Mais ! Judith, tu es juive
!?!".
Façon
De Funès.
J'ai
laissé les papillons virevolter autour de moi et je me suis assis dans une
soucoupe volante. L'église Saint Jean est sans doute un véhicule en panne,
abandonné par une communauté intersidérale il y a quelques millions d'années.
Celui qui a eu l'audace
d'organiser cette soirée a commencé par un speech en adéquation totale avec
l'état dans lequel je me trouvais. Il parlait très, très, très lentement.
"Merci…merci…un
grand merci….d'avoir répondu…si nombreux,…à l'appel de l'amour. …L'amour des
peuples, …l'amour des communautés, …l'amour des croyances aussi différentes
soit elle."
"HALLELUJA
!!!" Je ne sais ce qui m'a pris de crier comme ça, tout le monde s'est
retourné et ma présence incognito a fondu en un clin d'oeil.
Il a
continué, en paix.
"Un
jour, un grand philosophe a dit : Je pense donc je suis ; et ce soir j'aimerais
ajouter : je suis parce que nous sommes…et
nous sommes…parce que je suis."
Applaudissement.
Moi,
j'ai repris un mentos en me disant que la soirée allait être haute en couleur.
C'est
la chorale hébraïque qui a commencé. Et c'était beau. Enfin c'était magnifique.
Entre
les morceaux, le chef de choeur nous contait des anecdotes sur le compositeur,
sur l'époque, sur l'histoire de cette religion ; laquelle, comme toutes les
autres, est un puit sans fond de connaissances, de culture, de penseurs
érudits, ce que j'oublie trop souvent.
Emprunt
d'une béatitude sans nom, je laisse un mince filet de bave s'écouler sur mon
menton et me vautre doucement mais sûrement
sur Judith.
Les
musulmans sont arrivés et ça a été un peu plus difficile pour eux. En fait, je
devrais plutôt dire LE courageux musulman est arrivé, accompagné tout de même
d'un joueur de clavier d'où sortait un son de Oud mal numérisé.
Je sais
bien que l'Islam et la musique vivent encore une difficile cohabitation qui
fait grand débat aujourd'hui. Et l'on donne malheureusement trop souvent la
parole aux fondamentalistes. Pour la simple raison que ces fanatiques font
vendre beaucoup plus de journaux qu'un honnête théologien barbu et barbant.
Ha on
l'a entendu le fameux Imam de Brest racontant à des enfants que la musique
c'est le diable…blablabla. D'ailleurs on a entendu que lui. En pointant du
doigt à longueur de temps la caractéristique "anti-musique" de l'Islam, on attise le feu des disputes entre
musulmans et occidentaux.
Comment
en vouloir aux bouddhistes ou au musulmans d'avoir besoin de calme pour exercer
leur culte, de rejeter toute forme de distraction de l'esprit. A bien y
regarder, ils n'embêtent personne. Au pire je pourrais dire, tant pis pour eux.
Et encore. De quoi je me mêle.
Bordel, je ne sais pas ce qu'il m'a vendu
l'autre gestionnaire de fortune mais je crois que je me suis fait arnaquer.
Sur
scène, la chorale du vieux Rabbin a rejoint Khalid et j'admets être devant une
scène surréaliste. Des juifs et des arabes ensemble, en train de chanter des
chansons d'amour.
Tout ce
beau monde est vite rejoint par la chorale gospel et je décide de laisser
Judith au milieu de cette partouze de l'âme, car je commence à vouloir toucher
un peu tout le monde. Rien de sexuel, rassurez-vous, mais cette satanée drogue me rend tactile à un point où je me dis
que j'ai jamais autant touché de juifs et d'arabes en une soirée. Certains se
plaignent et Casimir vient me le faire savoir. Je veux le toucher aussi mais il
m'a vite mis dehors, moi et mes clichés réduits à néant.
Les
trois jours qui ont suivi m'ont valu une bonne grosse déprime (c'est vraiment
super la drogue !), je décide de ne plus quitter mes charentaises, de trouver
un dieu qui écoute Bob Dylan et de l'adorer jusqu'à la fin de mes jours.